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À travers le désert

  • Ernest Hello

    Parce que l’homme ne s’aime pas, il plaisante avec son malheur.

    Parce que l’homme n’aime pas la vérité, il plaisante avec son erreur.

    L’horreur du faux, l’horreur du mauvais, l’horreur brûlante du mensonge est peut-être parmi les hommes le plus rare des sentiments.

    *

    Tous les dieux étaient reçus dans le Panthéon romain, excepté Jésus-Christ. Toutes les opinions sont reçues dans le Panthéon du monde ; la Vérité seule est mise à la porte.

    *

    Toujours, et partout, ce sont les principes de la métaphysique la plus élevée qui gouvernent les masses les plus ignorantes de la métaphysique, non pas directement, il est vrai, mais indirectement. La vie privée des hommes, dans ses plus humbles détails, est la traduction de la métaphysique adoptée, et cette vie privée est d’autant plus mauvaise que la métaphysique de l’erreur a plus généralement et plus longtemps prévalu. Tout homme qui agit, obéit, en agissant bien ou en agissant mal, à une théorie métaphysique très profonde, qu’il ignore presque toujours, mais que d’autres savent pour lui.

    *

    Si l’homme naturellement médiocre devient sérieusement chrétien, il cesse absolument d’être médiocre. Il peut ne pas devenir un homme supérieur, mais il est arraché à la médiocrité par la main qui tient le glaive. L’homme qui aime n’est jamais médiocre.

    *

    Le Mystère répond à un des besoins les plus profonds de la nature humaine, le besoin de l’Adoration.

    *

    Il n’a pas de charité, ce monde ; mais moins il en a, plus il a besoin qu’on en ait pour lui. Il faut qu’un souffle de feu réchauffe les membres de ce vieillard glacé.

    *

    The world loves Evil, but loves it well-preserved, painted, decked out, and dressed according to the fashion. It loves Sin, but it likes Sin to be spruce and pretty and daintily clad.

    *

    What astonishes me is not to hear some blasphemy on the lips of a man. Original sin is there ; free will is there ; blasphemy has its explanation. What plunges me in a stupefaction absolutely beyond expression is neutrality.

    *

    L’homme qui s’est reconnu néant fait le vide au fond de son âme : Dieu entre. Aussi ceux qui sont altérés d’infini sont altérés d’anéantissement.

    *

    Parmi les personnes vertueuses, il y en a quelques-unes, j’ai honte de le dire, qui croient que leur vie aurait plus d’intérêt, plus de variété, plus de liberté, si le mal se mêlait plus souvent au bien dans leur pratique journalière. Ces pauvres gens s’abstiennent quelquefois du mal, parce qu’ils croient devoir s’en abstenir ; mais ils s’en abstiennent sans le mépriser ; ils s’en abstiennent avec une sorte de regret. Quelque chose d’eux-mêmes reste avec lui quand ils le quittent ; ils ne le désertent pas à tous les points de vue. Ils ne savent pas combien il est fade, comment il est ennuyeux. Ils n’ont pas horreur de lui.

    *

    What astonishes me is not to hear some blasphemy on the lips of a man. Original sin is there ; free will is there ; blasphemy has its explanation. What plunges me in a stupefaction absolutely beyond expression is neutrality.

    *

    Tout jeune homme qui n'a pas reçu une éducation forte et sainte, éprouve, pendant un temps plus ou moins long, des aspirations sans objet. Toute la littérature a été ce jeune homme, et voilà le romantisme. Le romantisme, c'est l'état de l'âme rappelée au sérieux par le malheur, et complètement ignorante de son but et de sa route.

    *

    C’est l’amour qui fait parler, c’est l’amour qui fait entendre. En dehors de lui il n’y a que des sourds et des muets.

    *

    Nous sommes à l’époque suprême où tout est perdu, d’après l’apparence, et on pourrait dire, d’après l’évidence humaine. Toutes les causes en ce moment sont des causes désespérées. La nécessité du secours de Dieu [...] apparaît maintenant le visage découvert.

    *

    La subtilité de l’esprit et la corruption du cœur se tiennent plus qu’on ne le croit : la simplicité et la pureté sont sœurs.

    ENGLISH

    Because man does not love himself, he jokes about his own misfortune.

    Because man does not love the truth, he jokes about his own error.

    The horror of falsehood, the horror of evil, the burning horror of lies is perhaps the rarest of sentiments among men.

    *

    All gods were received into the Roman Pantheon, except Jesus Christ. All opinions are welcomed into the Pantheon of the world; only Truth is cast out.

    *

    Always, and everywhere, it is the principles of the highest metaphysics that govern the masses most ignorant of metaphysics – not directly, it is true, but indirectly. The private life of men, in its humblest details, is the translation of the metaphysics they have adopted, and that private life is all the worse the more widely and for the longer time the metaphysics of error has prevailed. Every man who acts, whether he acts well or ill, obeys a very deep metaphysical theory – one he almost always ignores, but that others know on his behalf.

    *

    If the naturally mediocre man becomes seriously Christian, he absolutely ceases to be mediocre. He may not become a superior man, but he is torn from mediocrity by the hand that holds the sword. A man who loves is never mediocre.

    *

    Mystery responds to one of the deepest needs of human nature – the need for Adoration.

    *

    This world has no charity; but the less it has, the more it needs others to have it for its sake. A breath of fire must warm the limbs of this frozen old man.

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    The world loves Evil, but loves it well-preserved, painted, decked out, and dressed according to the fashion. It loves Sin, but it likes Sin to be spruce and pretty and daintily clad.

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    What astonishes me is not to hear some blasphemy on the lips of a man. Original sin is there; free will is there; blasphemy has its explanation. What plunges me into a stupefaction absolutely beyond expression is neutrality.

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    The man who has recognized himself as nothingness makes a void in the depths of his soul: God enters. And thus, those who thirst for the infinite thirst also for annihilation.

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    Among virtuous people, there are some – I am ashamed to say – who believe their lives would be more interesting, more varied, more free, if evil more often mingled with good in their daily practice. These poor souls sometimes abstain from evil because they believe they must; but they abstain without despising it; they abstain with a kind of regret. Something of themselves remains with it when they part from it; they do not abandon it in every respect. They do not know how bland it is, how boring. They do not abhor it.

    *

    What astonishes me is not to hear some blasphemy on the lips of a man. Original sin is there; free will is there; blasphemy has its explanation. What plunges me into a stupefaction absolutely beyond expression is neutrality.

    *

    Every young man who has not received a strong and holy education experiences, for a more or less long time, objectless aspirations. All literature has been that young man – and that is Romanticism. Romanticism is the state of a soul recalled to seriousness by misfortune, and completely ignorant of its goal and its path.

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    It is love that makes one speak, it is love that makes one understand. Outside of it, there are only the deaf and the mute.

    *

    We are at the supreme moment in which all is lost – according to appearance, and one might say, according to human evidence. All causes at this moment are desperate causes. The necessity of God's help [...] now appears with an unveiled face.

    *

    The subtlety of the mind and the corruption of the heart are more closely connected than we think: simplicity and purity are sisters.

  • Sinistre farce / Sinister farce

    Ces gens qui ne sont pas venus à la messe de l'année, qui viennent se montrer au Dimanche des Rameaux, et qu'on ne verra à nouveau plus pendant le reste de l'année, sont EXACTEMENT ceux qui acclamaient Jésus à son entrée à Jérusalem pour mieux lui cracher à la gueule sur la via dolorosa. C'est le même drame, et la même farce, depuis deux mille ans.

    ENGLISH

    Those people who haven’t set foot in church all year, who come to be seen on Palm Sunday, and whom we won’t see again for the rest of the year – they are EXACTLY the same ones who cheered Jesus as he entered Jerusalem, only to spit in his face on the Via Dolorosa. It is the same tragedy, and the same farce, repeating itself for two thousand years.

  • Musique pré-enregistrée / Pre-recorded music

    J'ai récemment publié sur le groupe Facebook de ma paroisse un petit mot regrettant que les églises, un peu partout, soient devenues des lieux d'où le silence est banni et où pour des raisons que je ne comprends vraiment pas, ou ne veux pas comprendre, les visiteurs doivent désormais se taper des CD de « musique religieuse » qui empêchent toute concentration, tout recueillement, toute prière.

    Évidemment je me suis fait tomber dessus par les Sturmabteilungen de la Convivialité, qui m'ont reproché de ne pas comprendre que les églises sont des lieux d'accueil et que ça suffisait les grincheux, etc. Je n'ai pas compris, surtout, en quoi moi je n'avais pas à être accueilli, et pourquoi mon besoin de silence pour prier avait moins de valeur que l'hypothétique plaisir d'un hypothétique touriste venu visiter l'église locale à le faire en écoutant des cantiques pré-enregistrés.

    Le fait que les églises ont été des lieux de silence pendant des siècles et siècles (amen) et qu'aujourd'hui ne le soient plus, et soient de fait plus proches d'un supermarché ou d'un McDo [1] que d'un temple, semble n'effleurer personne.

    L'ambiance religieuse plutôt que la pratique réelle, qui elle nécessite du silence. 

    Ce règne du simulacre a commencé bien avant, ceci dit, je me souviens d'une messe il y a quelques années, en semaine, où les deux curés qui officiaient avaient choisi de passer... des cantiques pré-enregistrés pendant la messe. Certes, il n'y avait pas de chorale, il n'y en a jamais, en semaine, mais jusque là, l'assistance chantait à capella. Apparemment trop mal pour les tympans délicats des prêtres, qui ont préféré passer un CD – je suis sûr que le Seigneur était content.

    Au cas où les fidèles aient une sale gueule ou sentent mauvais, pourquoi ne pas les remplacer eux aussi par des mannequins ? Et les prêtres eux-mêmes, par un hologramme, comme Jean-Luc Mélenchon ! Ça leur laissera le temps de faire des TikTok.

    *

    [1] Il y a quelques années la paroisse avait d'ailleurs accroché dans l'église un écriteau disant... « Venez comme vous êtes ». Authentique.

    ENGLISH

    I recently posted a short note in my parish’s Facebook group, lamenting the fact that churches, almost everywhere, have become places where silence is banished – and where, for reasons I truly don’t understand (and frankly don’t want to understand), visitors are now forced to endure CDs of "religious music" that make concentration, meditation, or actual prayer nearly impossible.

    Naturally, I was immediately swarmed by the Sturmabteilungen of Conviviality, who scolded me for failing to grasp that churches are "places of welcome" and that grumblers like me should just be quiet and stop ruining the mood.

    I still haven’t understood why I don’t deserve to be welcomed, and why my need for silence in order to pray is somehow worth less than the supposed pleasure of some hypothetical tourist who might want to enjoy the local church while listening to pre-recorded hymns.

    The fact that churches were places of silence for centuries and centuries (amen), and that now they no longer are – and that they now feel closer to a supermarket or a McDonald’s [1] than to a temple – seems to bother absolutely no one.

    What matters today is the religious ambience rather than actual practice – which, of course, requires silence.

    This reign of the simulacrum didn’t start yesterday, by the way. I remember attending a weekday Mass a few years ago where the two priests officiating decided to play pre-recorded hymns during the service.

    True, there was no choir that day – there never is on weekdays – but until then, the congregation sang a cappella. Apparently, that was too off-key for the delicate ears of the clergy, who opted to let a CD do the singing.

    I’m sure the Lord was pleased.

    And if the congregation looks a bit rough, or smells bad—why not replace them with mannequins too?

    And the priests themselves, with a hologram!

    That would free up time for them to make TikToks.

    *

    [1] A few years ago, the parish actually put up a sign inside the church that said: "Come as you are". True story.