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La Messe

  • Sinistre farce / Sinister farce

    Ces gens qui ne sont pas venus à la messe de l'année, qui viennent se montrer au Dimanche des Rameaux, et qu'on ne verra à nouveau plus pendant le reste de l'année, sont EXACTEMENT ceux qui acclamaient Jésus à son entrée à Jérusalem pour mieux lui cracher à la gueule sur la via dolorosa. C'est le même drame, et la même farce, depuis deux mille ans.

    ENGLISH

    Those people who haven’t set foot in church all year, who come to be seen on Palm Sunday, and whom we won’t see again for the rest of the year – they are EXACTLY the same ones who cheered Jesus as he entered Jerusalem, only to spit in his face on the Via Dolorosa. It is the same tragedy, and the same farce, repeating itself for two thousand years.

  • Musique pré-enregistrée / Pre-recorded music

    J'ai récemment publié sur le groupe Facebook de ma paroisse un petit mot regrettant que les églises, un peu partout, soient devenues des lieux d'où le silence est banni et où pour des raisons que je ne comprends vraiment pas, ou ne veux pas comprendre, les visiteurs doivent désormais se taper des CD de « musique religieuse » qui empêchent toute concentration, tout recueillement, toute prière.

    Évidemment je me suis fait tomber dessus par les Sturmabteilungen de la Convivialité, qui m'ont reproché de ne pas comprendre que les églises sont des lieux d'accueil et que ça suffisait les grincheux, etc. Je n'ai pas compris, surtout, en quoi moi je n'avais pas à être accueilli, et pourquoi mon besoin de silence pour prier avait moins de valeur que l'hypothétique plaisir d'un hypothétique touriste venu visiter l'église locale à le faire en écoutant des cantiques pré-enregistrés.

    Le fait que les églises ont été des lieux de silence pendant des siècles et siècles (amen) et qu'aujourd'hui ne le soient plus, et soient de fait plus proches d'un supermarché ou d'un McDo [1] que d'un temple, semble n'effleurer personne.

    L'ambiance religieuse plutôt que la pratique réelle, qui elle nécessite du silence. 

    Ce règne du simulacre a commencé bien avant, ceci dit, je me souviens d'une messe il y a quelques années, en semaine, où les deux curés qui officiaient avaient choisi de passer... des cantiques pré-enregistrés pendant la messe. Certes, il n'y avait pas de chorale, il n'y en a jamais, en semaine, mais jusque là, l'assistance chantait à capella. Apparemment trop mal pour les tympans délicats des prêtres, qui ont préféré passer un CD – je suis sûr que le Seigneur était content.

    Au cas où les fidèles aient une sale gueule ou sentent mauvais, pourquoi ne pas les remplacer eux aussi par des mannequins ? Et les prêtres eux-mêmes, par un hologramme, comme Jean-Luc Mélenchon ! Ça leur laissera le temps de faire des TikTok.

    *

    [1] Il y a quelques années la paroisse avait d'ailleurs accroché dans l'église un écriteau disant... « Venez comme vous êtes ». Authentique.

    ENGLISH

    I recently posted a short note in my parish’s Facebook group, lamenting the fact that churches, almost everywhere, have become places where silence is banished – and where, for reasons I truly don’t understand (and frankly don’t want to understand), visitors are now forced to endure CDs of "religious music" that make concentration, meditation, or actual prayer nearly impossible.

    Naturally, I was immediately swarmed by the Sturmabteilungen of Conviviality, who scolded me for failing to grasp that churches are "places of welcome" and that grumblers like me should just be quiet and stop ruining the mood.

    I still haven’t understood why I don’t deserve to be welcomed, and why my need for silence in order to pray is somehow worth less than the supposed pleasure of some hypothetical tourist who might want to enjoy the local church while listening to pre-recorded hymns.

    The fact that churches were places of silence for centuries and centuries (amen), and that now they no longer are – and that they now feel closer to a supermarket or a McDonald’s [1] than to a temple – seems to bother absolutely no one.

    What matters today is the religious ambience rather than actual practice – which, of course, requires silence.

    This reign of the simulacrum didn’t start yesterday, by the way. I remember attending a weekday Mass a few years ago where the two priests officiating decided to play pre-recorded hymns during the service.

    True, there was no choir that day – there never is on weekdays – but until then, the congregation sang a cappella. Apparently, that was too off-key for the delicate ears of the clergy, who opted to let a CD do the singing.

    I’m sure the Lord was pleased.

    And if the congregation looks a bit rough, or smells bad—why not replace them with mannequins too?

    And the priests themselves, with a hologram!

    That would free up time for them to make TikToks.

    *

    [1] A few years ago, the parish actually put up a sign inside the church that said: "Come as you are". True story.

  • Une arche dans les ténèbres

    J'ai fait ce rêve, vers 2009, 2010, à une époque où aller à la messe ne me serait jamais venu à l'idée :

    Je suis chez Laurence, qui n'est pas présente. Je suis dans le garage, aménagé en salle de jeu ou quelque chose du genre. Il fait nuit, et très sombre. Je suis avec une fille que je drague plus ou moins. Elle a un accent et/ou un prénom slave. D'autres gens sont censés être dans la maison, c'est une sorte de réunion amicale. L'un de ces amis débarque soudain, l'air paniqué, terrifié. Il explique que l'un des convives a disparu. Il n'est pas seulement introuvable, je le comprends ; il a bel et bien disparu. Comme emporté par quelque chose, désintégré, emmené dans une autre dimension. La peur que je ressens est indescriptible. Je suis en ville, ensuite, à l'aube ou au crépuscule ; il fait sombre. Je me réfugie dans une église, où se déroule une messe. Il y a beaucoup de monde, l'église est belle, l'ambiance est conviviale, chaleureuse, rassurante. Mon père est présent ainsi que d'autres gens que je connais. Quelqu'un lit le journal. Je le feuillette et lis des choses au sujet de ce qui est arrivé chez Laurence, mais l'article en parle comme d'un film à succès qui terrorise le public. Quelqu'un dans l'église débouche du schnaps ; l'ambiance est amicale, pas du tout solennelle.

    Enfant je rêvais régulièrement que la lumière avait disparu ; j'étais chez moi, dans l'appartement où je vivais avec ma sœur et mes parents, et c'était la nuit. J'avançais à tâton dans ma chambre et dans le couloir principal, essayant d'actionner les interrupteurs, mais aucun ne fonctionnait. La lumière avait disparu. Et je comprenais malgré mon jeune âge que ce n'était pas une simple coupure de courant : la lumière avait, littéralement, disparu.

    Ce rêve fait à l'orée de mes trente ans m'y fait repenser. Je ne le réalise qu'en l'écrivant maintenant : je traversais à l'époque une période de ténèbres intimes absolues, et ce rêve les évoque probablement sous un masque de film d'horreur absurdiste. J'aurais pu moi aussi y disparaître – que cette disparition surnaturelle dans le rêve soit en réalité la mort ou un désespoir définitif n'a pas d'importance ; ce qui importe c'est la suite du rêve, première occurrence dans ma vie de ce que j'appelle aujourd'hui l'Église Rêvée – celle dont je rêve au sens propre et au sens figuré, l'Église non pas imaginaire mais imaginale, qui me fait supporter l'Église réelle, médiocre, triste, frustrante, du quotidien.

    Je me souviens encore du soulagement et de l'émerveillement que fut l'entrée dans cette église chaleureuse, éclairée, vivante, sainte, après la terreur ressentie au début du rêve et cette errance floue dans ces rues grises et froides et dans un demi-jour qui ne laissait deviner aucun espoir ni refuge ; mais il y avait bel et bien un refuge, il y avait une arche, et c'était l'église. C'était l'Église.

    L'Église qui englobe le monde entier : au premier plan, la Messe, une messe permanente, une offrande permanente, une invocation permanente de Dieu, qui permet au monde de ne pas être purement et simplement englouti par les ténèbres ; au second plan, la vie de tous les jours, où l'on lit son journal et boit un coup entre amis. Et mon père est là lui aussi. Lui qui bouffe du curé tous les matins. C'est bien la chose la plus invraisemblable dans ce rêve – mais peut-être est-ce aussi l'annonce la plus merveilleuse que le Seigneur m'a faite en m'accordant ce rêve.