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Rêves

  • Une arche dans les ténèbres

    J'ai fait ce rêve, vers 2009, 2010, à une époque où aller à la messe ne me serait jamais venu à l'idée :

    Je suis chez Laurence, qui n'est pas présente. Je suis dans le garage, aménagé en salle de jeu ou quelque chose du genre. Il fait nuit, et très sombre. Je suis avec une fille que je drague plus ou moins. Elle a un accent et/ou un prénom slave. D'autres gens sont censés être dans la maison, c'est une sorte de réunion amicale. L'un de ces amis débarque soudain, l'air paniqué, terrifié. Il explique que l'un des convives a disparu. Il n'est pas seulement introuvable, je le comprends ; il a bel et bien disparu. Comme emporté par quelque chose, désintégré, emmené dans une autre dimension. La peur que je ressens est indescriptible. Je suis en ville, ensuite, à l'aube ou au crépuscule ; il fait sombre. Je me réfugie dans une église, où se déroule une messe. Il y a beaucoup de monde, l'église est belle, l'ambiance est conviviale, chaleureuse, rassurante. Mon père est présent ainsi que d'autres gens que je connais. Quelqu'un lit le journal. Je le feuillette et lis des choses au sujet de ce qui est arrivé chez Laurence, mais l'article en parle comme d'un film à succès qui terrorise le public. Quelqu'un dans l'église débouche du schnaps ; l'ambiance est amicale, pas du tout solennelle.

    Enfant je rêvais régulièrement que la lumière avait disparu ; j'étais chez moi, dans l'appartement où je vivais avec ma sœur et mes parents, et c'était la nuit. J'avançais à tâton dans ma chambre et dans le couloir principal, essayant d'actionner les interrupteurs, mais aucun ne fonctionnait. La lumière avait disparu. Et je comprenais malgré mon jeune âge que ce n'était pas une simple coupure de courant : la lumière avait, littéralement, disparu.

    Ce rêve fait à l'orée de mes trente ans m'y fait repenser. Je ne le réalise qu'en l'écrivant maintenant : je traversais à l'époque une période de ténèbres intimes absolues, et ce rêve les évoque probablement sous un masque de film d'horreur absurdiste. J'aurais pu moi aussi y disparaître – que cette disparition surnaturelle dans le rêve soit en réalité la mort ou un désespoir définitif n'a pas d'importance ; ce qui importe c'est la suite du rêve, première occurrence dans ma vie de ce que j'appelle aujourd'hui l'Église Rêvée – celle dont je rêve au sens propre et au sens figuré, l'Église non pas imaginaire mais imaginale, qui me fait supporter l'Église réelle, médiocre, triste, frustrante, du quotidien.

    Je me souviens encore du soulagement et de l'émerveillement que fut l'entrée dans cette église chaleureuse, éclairée, vivante, sainte, après la terreur ressentie au début du rêve et cette errance floue dans ces rues grises et froides et dans un demi-jour qui ne laissait deviner aucun espoir ni refuge ; mais il y avait bel et bien un refuge, il y avait une arche, et c'était l'église. C'était l'Église.

    L'Église qui englobe le monde entier : au premier plan, la Messe, une messe permanente, une offrande permanente, une invocation permanente de Dieu, qui permet au monde de ne pas être purement et simplement englouti par les ténèbres ; au second plan, la vie de tous les jours, où l'on lit son journal et boit un coup entre amis. Et mon père est là lui aussi. Lui qui bouffe du curé tous les matins. C'est bien la chose la plus invraisemblable dans ce rêve – mais peut-être est-ce aussi l'annonce la plus merveilleuse que le Seigneur m'a faite en m'accordant ce rêve.